Eglise templière de Paulhac
La chapelle et son décor peint du XIIIème siècle constituent le seul témoignage de l'importance de la commanderie de Paulhac à l'époque des templiers. L'édifice est homogène. Indépendamment de la reprise d'un contrefort, il n'y a eu que des compléments la surélévation de la première travée, d'assez médiocre qualité, probablement liée à des fins défensives, qui dénature une silhouette autrefois continue, et la construction en 1449 d'un petit oratoire isolé, la chapelle Saint- Fiacre, dont la réalisation est au contraire extrêmement soignée. L'église, consacrée à la Décollation de saint Jean-Baptiste, correspond à une définition quasi générale en Limousin à cette époque : un rectangle composé de plusieurs travées dont la dernière forme choeur.
Il s'agit de la première oeuvre d'une série de quatre chapelles gothiques édifiées par les templiers de la Creuse : les églises de Paulhac, Blaudeix, Chambéraud et Charrières présentent toutes une suite de voûtes d'ogives à liernes (non bombées) dont les articulations retombent sur de courtes colonnettes juchées sur des consoles ; mais c'est aussi la plus longue, avec cinq travées. Le parti est donc une invention de l'architecte, qui a réalisé une synthèse originale entre des influences venues du monde Plantagenêt et des goûts pour la sévérité propres à la région.
(Source - Les peintures murales de Paulhac (Saint-Etienne-de-Fursac) / Claude Andrault-Schmitt)
Les églises templières en Limousin
Cette chapelle a probablement servi de prototype aux trois autres du groupe, Blaudeix, Charrières et Chamberaud. Cette dernière est plus complexe à analyser car elle a été remaniée à de nombreuses reprises. Elles ont toutes un plan composé d'une nef rectangulaire, sans bas-côtés. Elles sont voûtées d'ogives à liernes et aucun support ne rythme leur élévation. Leur portail principal n'est pas situé en façade occidentale, mais au sud (Paulhac, Chamberaud) ou au nord (Charrières, Blaudeix). Elles ne possèdent pas de clocher maçonné, seuls des clochetons en charpente ont existé à Paulhac, Charrières et probablement Chamberaud.
Il est très difficile d'établir une datation de ces édifices en l'absence presque complète de sources historiques et étant donné la pérennité de caractères archaïques attribués généralement au début du XIIIe siècle , dans le décor notamment. La chapelle de Paulhac pourrait être datée vers 1248, date
correspondant à la première mention connue du lieu dans les documents d'archives. La première campagne de peinture serait contemporaine de cette construction et la seconde daterait de la fin du XIIIe siècle. Les trois autres chapelles postérieures à la construction de Paulhac, appartiendraient donc à
la seconde moitié du XIIIème siècle, la suppression de l'Ordre, en 1307, fixant une limite chronologique à ces chantiers.
Si on accepte cette hypothèse, on peut alors s'interroger sur l'existence éventuelle, à Paulhac, d'une chapelle antérieure à l'édifice actuel et qui aurait été détruite au milieu du XIIIème siècle pour être reconstruite. En effet, la cave du «château » attestant la présence d'un ensemble de bâtiments autour de la chapelle est datée vers 1200, ce qui en toute logique implique la présence d'une chapelle à cette date. Sinon, il faut admettre l'existence d'une commanderie sans chapelle pendant près de cinquante ans, ce qui semble
improbable, ou une installation des templiers au milieu du XIIIème siècle ayant entraîné le « remploi » de cette cave.
(Source - Un groupe d'églises templières du diocèse de Limoges au XIIIe siècleIsabelle Isnard)
La commanderie de Paulhac
La chapelle de Paulhac est la plus prestigieuse des quatre. Elle s'insérait dans un vaste ensemble de type monastique. Les descriptions du XVIIIe siècle permettent de connaître l'organisation de l'établissement. L'existence d'une cave sous le « château », datée vers 1200 et qui servit probablement de cellier, confirmerait la présence de bâtiments annexes autour du lieu de culte dès cette date.
La chapelle actuelle se compose d'une nef longue de cinq travées, sans bas-côtés et sans articulation au sol. Seuls des piliers engagés dans les murs gouttereaux séparent la première travée des suivantes. L'ensemble est voûté d'ogives à liernes retombant sur des colonnettes simples ou triples engagées dans les murs et reposant sur des consoles sculptées de masques humains. La voûte de la première travée est percée d'un oculus sommital signalant l'existence ancienne d'un clocheton de charpente et non de maçonnerie, comme l'indique l'absence d'escalier d'accès aux parties supérieures. La chapelle est épaulée par des contreforts plats.
Elle possède un riche décor peint qui a été réalisé en deux campagnes au moins. À la première campagne appartiennent probablement les croix de consécration inscrites dans des médaillons circulaires assez semblables à celles de l'abbatiale de Bonlieu (vers 1232) ainsi que les ornements géométriques placés autour des fenêtres. À la seconde campagne appartiennent toutes les scènes figurées dont l'identification n'est pas toujours aisée (sur le mur nord un roi et une reine nimbés posent en particulier un problème). Il faut signaler ici la présence d'un exceptionnel martyrologe peint sur le mur nord qui montre l'intérêt des templiers pour le culte des martyrs et de leurs reliques. On y reconnaît les saints Jacques le Majeur, Marc, Simon, Jean-Baptiste, Pierre, Biaise ou Martial et enfin sainte Catherine.
(Source - Un groupe d'églises templières du diocèse de Limoges au XIIIe siècleIsabelle Isnard)
L'architecture templière
Les sources de cette architecture templière retiennent ensuite l'attention de l'auteur qui dresse un catalogue des édifices ruraux de la région et établit des comparaisons. Cet exercice est délicat puisque la plupart des églises citées sont mal datées et ont fait l'objet de travaux nombreux, dont certains contemporains de la construction des églises du groupe stylistique identifié. Les sources doivent être recherchées dans l'architecture des églises hospitalières de la Marche, elles mêmes dérivées des « églises-granges » des années 1200. La chapelle hospitalière Saintjean-Baptiste de la Croix-au-Bost datée vers 1234 est construite sur un plan rectangulaire, sans articulations et elle était primitivement voûtée d'un berceau.
Elle est décorée de peintures dont les éléments les plus remarquables sont des figures d'apôtres portant des croix de consécration que l'auteur compare aux statues d'apôtres de la Sainte- Chapelle de Paris. Leur style est assez proche de celles de Paulhac. À la chapelle des hospitaliers de Lavaufranche, le plan rectangulaire est repris, les consoles d'un premier voûtement sont conservées et appartiennent au
vocabulaire utilisé à Paulhac, mais la nef a ensuite été couverte de voûtes à quatre nervures, sans rapport avec les voûtes à liernes des templiers. À ce même moment, la chapelle a été décorée de peintures réalisées en deux campagnes successives ; l'une du dernier quart du XIIIe siècle, l'autre du milieu du XIVe siècle. Certaines scènes sont identifiées avec certitude (les saints Pierre et Paul, la Crucifixion et sainte Catherine devant les Docteurs) et d'autres restent encore à élucider (ensemble de cavaliers du mur nord, notamment). Quoi qu'il en soit, ces choix iconographiques peuvent être mis en relation avec les préoccupations des templiers. Il semble donc
que les jeux d'influences se soient croisés. Vers 1200, la petite église de la Décollation de Saint-Jean-Baptiste à Breuilaufa présente probablement dans ses parties orientales la première adaptation de voûtes à huit nervures dans un édifice hospitalier et a pu servir de référence. L'auteur revient ensuite sur un édifice mieux connu, la chapelle Saint-Jean de Bourganeuf dont le choeur est généralement daté du XVème siècle. L'agencement des huit nervures toriques, les corbeilles des chapiteaux décorées de feuilles plates et les faisceaux de colonnettes de diamètres identiques ne peuvent pas s'accorder avec une telle datation. Il faut plutôt remonter au XIIIème siècle. Des similitudes évidentes existent en effet avec la chapelle Notre-Dame de l'Assomption de La Souterraine datée vers 1220. Seule la grande verrière du chevet de Bourganeuf de style flamboyant peut être rattachée au XVème siècle.
(Source - Un groupe d'églises templières du diocèse de Limoges au XIIIe siècle / Isabelle Isnard)
Les chapelles templières du groupe formé autour de Paulhac semblent se rattacher à un ensemble plus vaste d'édifices austères qui associent la simplicité du plan, la maîtrise du voûtement d'ogives et l'usage d'un répertoire
décoratif régional. L'église de Pontarion, longue de quatre travées primitivement voûtées d'ogives quadripartites reposant sur des supports engagés composés de trois colonnettes, illustre une tendance de l'architecture austère qui cherche à se différencier de l'architecture templière. L'absence de portail latéral, remplacé par un portail aménagé en façade occidentale, l'usage de voûtes à quatre nervures sans liemes témoignent
aussi du désir de se démarquer. Au contraire, à Chénerailles, dont l'élévation est très proche de celle de Pontarion, l'architecte a placé à la retombée des ogives des colonnettes tronquées, reprenant ainsi un thème utilisé dans les chapelles du groupe constitué autour de Paulhac. À Ajain aussi l'usage de
colonnettes sur consoles est conservé. D'autres églises sont citées, Ladepeyre, Bonnat et surtout, Bonize qui peut être datée du XIVème siècle et constitue semble-t-il l'exemple le plus tardif de l'architecture austère de la Marche dans lequel l'influence de l'art rayonnant se fait très faiblement sentir, alors qu'elle est totalement absente dans les églises antérieures. À Chénerailles, le monument funéraire du prêtre Barthélémy de la Place commandé vers 1300 témoigne aussi de la connaissance de l'art rayonnant. Celui-ci n'a pourtant eu une influence véritable dans le diocèse qu'à partir du XIVème siècle, après l'achèvement du choeur de la cathédrale de Limoges. Un autre ensemble d'édifices, au statut assez mal déterminé mais en relation avec l'ordre, est ensuite étudié. À Fleurât, le voûtement postérieur à la construction a été mis en place sur des colonnettes reposant sur des consoles, semblables à celles de Blaudeix ou Paulhac. Il y a donc ici une nette influence des commanderies templières voisines. Au contraire la chapelle du Palais-sur-Vienne, rapidement
construite vers le milieu ou le troisième quart du XIIIe siècle, n'adopte aucune particularité des églises templières citées.
(Source - Un groupe d'églises templières du diocèse de Limoges au XIIIe siècle / Isabelle Isnard)
À la lumière de ces très nombreuses comparaisons, il apparaît que le seul élément qui soit strictement réservé aux chapelles des templiers, est l'usage des liernes dans
l'alignement des travées. Les autres caractères - austérité, nef unique et absence de support scandant l'élévation notamment - sont repris dans l'architecture gothique des églises rurales ayant ou non des liens historiques avec les templiers. Les voûtes à liernes construites dans les chapelles templières ne sont pas bombées comme les voûtes de type Plantagenêt, mais adoptent des formes particulières : ainsi à Paulhac leur extrados montre une technique de construction « à la française ». Exception faites des chapelles templières où elles sont employées dans tout le vaisseau, et de quelques édifices qui ont pu subir l'influence directe de l'Ordre (Gouzon, Saint- Quentin, Bersac et Coyroux), elles voisinent avec des voûtes quadripartites. Pourtant, la voûte à huit nervures de la travée droite du choeur de la collégiale de Saint-Yrieix (vers 1181) montre que l'origine de ces voûtes se trouve bien dans le domaine Plantagenêt.
il apparaît qu'un type d'église templière peut se définir dans le diocèse de Limoges. Il se caractérise par l'usage de voûtes à huit nervures sur une nef unique et de supports engagés dans les murs reposant sur des consoles ainsi que par l'absence d'escalier. Aucune des églises templières ne possédait de clocher maçonné. Ces
églises s'intègrent au courant de l'architecture austère de la Marche Limousine et se réfèrent au monde Plantagenêt, spécialement à un groupe homogène formé par les églises Saintjean de Saumur, Saint-Jean d'Amboise et Saugié-l'Hôpital un aspect dont l'étude approfondie se révélerait particulièrement fructueuse.
(Source - Un groupe d'églises templières du diocèse de Limoges au XIIIe siècle /
Isabelle Isnard)
Le mur sud
Largement ouvert, mais aussi très abîmé, ce mur ne donne plus à voir que quelques vestiges peints. Des fragments fermement encadrés laissent supposer des représentations du même genre que celles qui ornent l'autre gouttereau. Au-dessus
du portail d'entrée, le personnage aux jambes nues croisées, vêtu d'une cotte de maille et d'une courte tunique, qui porte une épée comme un sceptre, et qui est accosté par un soldat mieux protégé encore (on ne voit que les jambes se détachant sur une bande ocre rouge), pourrait bien être l'ordonnateur d'un martyre ; il fait face à une scène narrative où se devine une sorte de machine. Plus loin vers l'est , se discerne à peine un personnage (armé ?). Enfin, apparaît le bas du riche vêtement d'un ecclésiastique.
Le mur nord
Le registre principal du mur nord constitue l'élément décoratif essentiel. En bas, il est cerné par de simples lignes ocre rouge et ocre jaune. En haut, il est surmonté par un large ruban géométrique composé d'arrangements de peltes, dont la hauteur correspond exactement aux deux niveaux des chapiteaux et de leurs tailloirs. Il déploie un sujet unique un martyrologe continu, rythmé par des personnages organisés le plus
souvent en couples, qu'il s'agisse des bourreaux ou des saints. La plupart des martyrs semblent de rang apostolique, et quelquesuns seraient représentés deux fois. Dans cette suite, le thème de l'âme recueillie par deux anges forme une composition triangulaire qui sert de leitmotiv : c'est bien le passage vers le ciel qui importe.
* travée 2 : dans un registre inférieur, sur un fond presque noir, une sainte et un saint coiffés de riches diadèmes (une reine et un roi ?) se tournent l'un vers l'autre et montrent la scène du haut. Au-dessus, deux saints vêtus d'amples manteaux conversent; le deuxième porte une sorte de chaperon et s'appuie sur un bâton. Puis, à demi affaissé, un martyr (le premier des deux personnages précédents ?) est percé d'une lance qui lui traverse le dos, et décapité en même temps. Ensuite, le saint au chaperon subit lui-même une décollation, mais debout, de la part d'un soldat de haute taille habillé d'une cotte de maille sombre, très effacée ; entre les deux, un petit pèlerin agenouillé prie (il contribue sans doute à l'identification de saint Jacques le Majeur). La travée se termine par une lacune.
* travée 3 : d'une zone dont l'enduit a disparu émerge une poutre horizontale placée à mi-hauteur, sur laquelle est attaché un martyr dont on ne voit que les pieds. L'arabesque formée par les liens se prolonge par un ange gracile, très élégant, perché sur l'extrémité de la poutre, qui recueille une âme surgie d'une sorte de nuée. Puis deux bourreaux se détachant sur un fond vert clair traînent sur le sol un homme attaché par le cou (saint Marc ?); munis de courtes épées, ils font face à un martyr agenouillé dans une petite construction (saint Marc ramené dans sa prison ?) dont l'âme s'exhale par la bouche.La scène suivante n'est pas identifiable.
* travée 4 : (la plus nette, qui correspond à une clef de voûte portant l'Agneau) : un saint barbu, encapuchonné et gué par une main sortant du ciel, est pris à parti par un
personnage portant une sorte de turban rayé. Ensuite, deux bourreaux manient une scie au-dessus d'un corps installé sur un épais tronc d'arbre (saint Simon ?). Un autre décapite à l'aide d'une longue épée un saint penché hors d'une prison représentée par une arcade trilobée de couleur jaune ornée de petits quadrilobes d'écoinçons (saint Jean-Baptiste ?) : le visage est large, les cheveux coiffés en rouleau et couronnés d'un
bandeau. Enfin, un crucifié, la tête en bas, représente saint Pierre.
( Source - Les peintures murales de Paulhac (Saint-Etienne-de-
Fursac) / Claude Andrault-Schmitt)
CHEVET VIERGE A L'ENFANT (MOTIF SURIMPOSÉ À UNE CROIX DE CONSÉCRATION)
Le style confirme une datation de la fin du XIIIe siècle que laissaient supposer à la fois le décalage d'une génération entre les deux campagnes décoratives et la valeur héraldique des croix rouges sur fond blanc. De toute façon, le début du XIVe siècle est invraisemblable en raison de l'importance de la commande et de la durée des difficultés financières des hospitaliers après le rattachement.
Si, dans le cadre étroit de la région, la Marche limousine, le parti architectural correspond à une stricte définition templière, l'existence d'un ample décor peint ne peut que susciter des comparaisons avec les chapelles des hospitaliers. Des programmes peints ont en effet été dégagés à Lavaufranche (1958-1977) et à La Croix-au-Bost (1980-1985). Toutefois, s'il y a bien quelque communauté de goût dans la volonté
d'enrichir par la peinture ces édifices modestes, s'il y a également des recoupements d'ordre chronologique ou iconographique, les ateliers sont très différents dans les trois sites.
Le décor de La Croix-au-Bost est probablement légèrement antérieur à celui de Paulhac, et d'inspiration plus traditionnelle : on y trouve bien le même ruban large de peltes, mais il y est surmonté d'une guirlande de palmettes ; les croix de consécration doivent beaucoup à l'enluminure ; les inscriptions sont nombreuses; les visages, triangulaires, sont plus allongés et plus ombrés ; le faux doubleau qui seul isolait le choeur, et que
formaient les bustes des Vieillards de l'Apocalypse (conservé en partie seulement), garde un aspect roman. Cependant, les médaillons de consécration sont portées par des apôtres debout, selon une iconographie rare et d'une certaine modernité. Le type des inscriptions renvoie au troisième quart du siècle. A Lavaufranche, les thèmes sont proches de ceux de Paulhac, mais ne mettent pas l'accent sur le martyre la Crucifixion est en vis-à-vis de la Danse de Salomé, de part et d'autre de la baie d'axe qui est elle-même ornée par les saints Pierre et Paul (de grande taille et sous arcade trilobée) ; sainte Catherine est vue dans la scène de la controverse.
( Source - Les peintures murales de Paulhac (Saint-Etienne-de-
Fursac) / Claude Andrault-Schmitt)
EBRASEMENT GAUCHE DE LA BAIE AXIALE : TRAVAUX DES MOIS
Les peintures de l'église templière de Paulhac
L'église avait été conçue dès l'origine pour être enduite, car elle n'est pas régulièrement appareillée à l'intérieur. De nombreuses lacunes sont définitives les pigments, liés à la colle, ont été posés sur un enduit de mauvaise qualité (peu de chaux, trop de sable, ce qui n'est pas surprenant dans ce pays granitique). Quelques incrustations devaient enrichir certains nimbes, les couronnes, les ceintures, les brides. La palette
apparaît variée : à l'ocre rouge qui donne des effets de pourpre dans
les parties les mieux conservées s'ajoutent un bleu outremer très foncé, souvent utilisé pour des fonds importants, un jaune vif, un vert pâle presque turquoise...
Sans compter les registres de faux-joint et la peinture des colonnettes, plusieurs fois repris, deux campagnes se sont succédées : la première, entre construction et consécration, se manifeste par de grands médaillons circulaires, dont le dessin, répétitif, formé de croix pattées cernées d'ocre rouge sur fond bleu foncé orné de fleurons, est proche de celui des croix de consécration peintes sur l'abside de l'abbatiale cistercienne de
Bonlieu (réaménagement daté de 1232 par une cérémonie). La deuxième campagne, la plus importante, présente unprogramme hagiographique dont les personnages se superposent parfois aux croix de consécration : celui-ci mérite un plus ample commentaire.
Les larges surfaces murales semblent propices à un développement assez libre, notamment sur le mur nord, dépourvu de fenêtres, mais la disposition obéit à un plan d'ensemble mûrement réfléchi. Celui-ci tient compte des dispositions architecturales au nord comme au sud, les cintres des portes, de tracé brisé, sont soulignées par un ruban ornemental formant de fausses archivoltes à retours. Mais on a essentiellement recherché un effet de crescendo d'ouest en est, jusqu'au baldaquin de la voûte terminale, la seule qui présente des sujets. On le
comprend en regardant le mur nord. Ainsi, il est probable que la première travée n'a jamais été décorée que par des bandes de rinceaux ou motifs géométriques (y compris dans les verticales des pilastres d'angle, mais ici il n'y a encore que des sondages). Dans la deuxième travée (2), commence le grand registre historié : il est alors supporté par un registre inférieur
qui disparaît ensuite. En revanche, dans la cinquième et dernière travée (5), le registre principal est surmonté et enrichi par un décor supplémentaire, d'un type exceptionnel : c'est un damier dont les lignes s'échappent en obliques vers le haut.
La lecture des scènes est devenue difficile en raison des lacunes ; d'autre part, il n'y a aucune trace d'inscription, ce qui est assez étonnant. Il n'est pas question de proposer ici une identification sûre : seules peuvent être énoncées quelques évidences, ou des hypothèses liées à ce que nous savons de l'édifice et de l'époque.
La voûte
Deux des voûtains laissent apparaître la partie avant d'un cheval et un grand ange, à l'intérieur d'un cercle ocre rouge, et tête- bêche par rapport à la clef de voûte formée d'un Christ en buste bénissant; à l'extérieur du cercle, des nimbes, et un ange : fragments de la vision de la seconde Venue ?
( Source - Les peintures murales de Paulhac (Saint-Etienne-de-
Fursac) / Claude Andrault-Schmitt)
TRAVÉE 3, MARTYRE DE SAINT MARC ?
Si la réalisation est peut être contemporaine, au moins pour la campagne la plus ancienne (complétée au XIVe siècle par quelques personnages, dont Jean-Baptiste, Martial et Valérie), le style de ces tableaux indépendants liés par une riche grammaire décorative, qui a été comparé aux manuscrits anglais, est bien différent hormis de petites arcatures qui pourraient ressembler à une base de sarcophage, à gauche, l'enduit ne subsiste que sous quelques silhouettes, dont l'une prostrée devant un évêque : évoquer sainte Valérie face à saint Martial serait tentant, mais imprudent en raison de l'état de conservation.
Le plus intéressant ici est le damier supérieur, faux tissu plutôt que faux dallage, qui est de type véritablement gothique, aussi bien par sa valeur
décorative que par sa signification héraldique. Les carrés, recoupés aux angles par des ondulations, présentent une alternance de croix rouges et de plumes (ou épis, ou palmes des martyrs ?).
* les deux vastes ébrasements de la baie opposent les travaux des mois, insérés dans douze tableaux carrés, à un bel arbre de Jessé Jessé, David et Salomon sont parfaitement conservés.
* à gauche : en haut, une Crucifixion ; face à saint Jean,la Vierge a disparu avec la chute de l'enduit. Au-dessous, une Vierge à l'Enfant, rigoureusement frontale, assise sur un trônede bois qui recouvre en partie une des croix de consécration, est coiffée d'une large couronne orfévrée.
* à droite : en haut, la roue prévue pour sainte Catherine est munie de pointes acérées dont l'éclatement ouvre le crâne d'un spectateur (qui résume une foule de victimes); le corps, affaissé, est habilement supporté par le cadre du tableau inférieur. En bas, une martyre est déshabillée jusqu'à la taille par des bourreaux. Le visage et la coiffure, qui forment un
losange, s'inscrivent sur un nimbe incrusté qui mord sur le et leurs reliques (jamais programme n'a été plus explicite) et l'attachement des Limousins au culte des saints.
Malgré la faible qualité technique, l'artiste ou les artistes étaient certainement cotés, et ont manifesté là un grand métier. Bien sûr, les visages se répètent, avec des yeux élargis et des coiffures en rouleau. Mais les effets du graphisme ne sont pas prépondérants, à l'inverse d'autres oeuvres gothiques qui appellent le plus souvent des comparaisons avec les enluminures. La composition est sans génie, mais elle est aérée par les oppositions de couleur, qui permettent de retrouver un certain sens de la monumentalité. Les personnages, non dénués d'élégance, sont bien campés ; leurs gestes sont naturels. Quand les drapés sont bien conservés (périzonium du Christ, manteau de saint
Jean, vêtements des prophètes de l'arbre de Jessé, tunique du spectateur foudroyé), les camaïeux de bleu ou pourpre soulignés de jaune leur donnent un vrai volume.
( Source - Les peintures murales de Paulhac (Saint-Etienne-de-
Fursac) / Claude Andrault-Schmitt)
EBRASEMENT DROIT DE LA BAIE AXIALE : ARBRE DE JESSÉ
Au total, pour la même époque et le même type de commande, on peut apprécier la richesse et la diversité de la peinture murale en Limousin, qui ne se sont pas épuisées depuis l'époque romane. Il resterait à élargir la comparaison avec les autres oeuvres gothiques décorant les chapelles des templiers et des hospitaliers, finalement assez nombreuses (Comminges,
Est de la France, Auvergne...)
( Source - Les peintures murales de Paulhac (Saint-Etienne-de-
Fursac) / Claude Andrault-Schmitt)