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Saints Léon et Coronat

Dans l'Histoire sacrée de la vie des saints, Jean Collin fait une allusion à Léon et
Coronat. Il s'indigne que la piété des fidèles ne s'enrichisse pas de la dévotion aux saints limousins trop souvent ignorés, tels Léon et Coronat que l'on invoque à Uzerche « contre les possessions, obsessions ou autres vexations des démons ».

 

Nous trouvons une autre mention de Léon et Coronat dans le livre d'André Duchesne, Les antiquités... de toute la France : « La deuxième ville du Bas-Limousin est Uzerche, belle, gracieuse et tempérée, ville assise sur le torrent de la Vézère et presque imprenable selon le jugement des hommes... Mesme elle est
recommandable par une riche abbaye de l'Ordre de saint Benoist dont plusieurs belles reliques surhaussent la splendeur et l'excellence, comme la Nape sur laquelle Nostre Sauveur fit la Cène avecques ses apôtres, et les corps des glorieux saints Léon et Coronat, où les privés d'esprit et sans usage de raison voyagent
ordinairement les mains chargées de voeux et de supplications. »

 

Si les reliques deLéon et Coronat ont été perdues ou détruites au cours des guerres de religion, en 1569, la dévotion qu'elles avaient suscitée ne s'est pas interrompue pour autant : un siècle après, les malheureux en proie à des troubles mentaux venaient encore demander leur guérison aux deux saints, qui étaient l'objet de pèlerinages. Ceci inclinerait, d'ailleurs, à penser que leurs restes n'ont peut-être disparu que pendant la Révolution et que la vénération qu'ils inspiraient s'est maintenue jusque-là.

 

 

D'où venaient les saints Leon et Coronat ?


Le Dictionnaire géographique de Joanne, dans la description d'Uzerche, parle d'un monastère qui a subi bien des vicissitudes à travers |l'histoire et dont il reste une église, sous le patronage de saint Pierre, reconstruite au commencement du xne siècle, dont la crypte renfermerait le tombeau de saint Coronat. Un historien du XIXème siècle, Combet, donne des renseignements précieux : ce tombeau contiendrait les ossements de saint Léon et de saint Coronat, évêques de Bretagne tous deux. Ils auraient été portés là « au commencement du XIème siècle ou, au plus tard, le 6 décembre 1158 » et auraient valu à cette partie de l'église d'être appelée « crypte des corps saints ». Les deux prélats, remarquables par leurs vertus et leur éloquence, auraient suscité beaucoup de miracles, notamment ils auraient eu le pouvoir de rendre la raison aux déments (nous avons vu qu'au XVIIe siècle cette croyance était vivante). Coronat, successeur de Léon, serait mort à Évreux à l'âge de cinquante-six ans. Une Vie en vers a chanté les deux évêques, oeuvre malheureusement perdue de Denis Piramus, poète originaire d'Uzerche, « qui vivait vers 1060 » (erreur pour 1160).

 

Troubadour pour Combet, trouvère pour les lecteurs de La Vie seint Edmund, qu'était donc Denis Piramus ? Nous l'avons dit plus haut, la Vie de Léon et Coronat a très malheureusement disparu. Combet ne donne pas ses sources qui, sans doute, ont péri dans l'incendie de sa maison ; il sait que le ms. est perdu. Si ses dires sont exacts, Piramus, corrézien, aurait sans doute fréquenté la cour d'Aliénor d'Aquitaine, aurait écrit
la Vie de Léon et Coronat, peut-être à l'occasion de leur translation (1158), et aurait suivi Aliénor à la cour normande après son remariage avec Henri II ; là, il aurait appris l'anglo-normand, et la suite de son histoire rejoindrait l'hypothèse de Kjellman. Celui-ci ne paraît pas soupçonner l'oeuvre hagiographique en langue d'oc de Piramus ; cependant il sait que le poète « s'est initié aux genres littéraires d'origine méridionale qu'il dit avoir cultivés antérieurement ». Une trame assez curieuse se serait donc tissée entre la Normandie et l'Aquitaine, servant de toile de fond au sujet qui nous occupe : le transfert en Corrèze des saints Léon et Coronat. On sait, d'autre part, que les échanges étaient grands, au XIIème siècle, entre la Normandie et l'Angleterre : Évreux, où serait né
Coronat, a eu comme doyen Mauger, futur évêque de Worcester ; Jean de Coutances, doyen de Rouen, devint aussi évêque de Worcester, et saint Vigor, évêque de Bayeux au VIème siècle, était l'objet d'un culte en Angleterre, où deux églises portent son nom.

 

Citons ce témoignage de Geoffroy de Vigeois, chroniqueur limousin du XIIème siècle : « Le monastère d'Uzerche est enrichi des reliques des saints évêques Léon et Coronat qui y furent transportés de la Bretagne et y opérèrent des miracles », et cette phrase de Fr. Bonnélye, qui a composé son Histoire de Tulle d'après des documents groupés à présent sous son nom aux Archives départementales de la Corrèze : « On transféra de la Bretagne à Vigeois les restes vénérés de sainte Magdelone (sic) et ceux de saint Coronat et de saint Léonat à Uzerche» La présence en Corrèze des reliques de L/éon et Coronat, venant de « Bretagne » n'est donc pas un fait isolé.

 

(Source - Bernard M. Sur la trace des saints Léon et Coronat. Un recueil liturgique de l'abbaye d'Uzerche. In: Cahiers de civilisation médiévale, 9e année (n°35), Juillet-septembre 1966).

C'est pour fuir les envahisseurs, en effet, que les reliques des saints Samson, Magloire, Malo, Seiner, Lunaire, Guénaud, Brieuc, Corentin, Lenterne, Lexion, Ciferion, Maloire, Trémeur, Guéganton, Scubilion, Budoc ont été transportées à Paris18. Les saints devenus limousins, tels que Ulfard, Laud, Clair (Tulle), Valérie, Dumine, Calmine, Viance, Baumade, Sadroc, etc. ont la même origine. Dans le psautier de Limoges B.N. lat. 16306 (XIIème s.), se trouvent en addition les noms de Thuriau, Samson, Guinain, etc. Le ms. de Saint-Martial B.N. lat. 1154 (XIème s.), qui renferme de très longues litanies, comprend entre autres :
Menne, Crmen, Leander, Tamoe, Sur', Domnalene, Gear, Trudane, Hor, Sidram, Sir, Dodo, Gormare, Melear, Puinuh, Machlove, etc., dont les noms celtes sont caractéristiques. D'Arbois de Jubainville fait allusion à des émigrations bretonnes du côté de l'Auvergne, dont l'histoire serait encore à étudier. On
s'accorde à penser que les reliques de Léon et Coronat ont été aussi transportées en Limousin à l'époque des invasions normandes.

 

La tradition orale, seule, a conservé le souvenir des deux saints. Mme Teyssier, d'Uzerche, alliée à la famille de Baluze, a bien voulu faire une enquête dans le pays on s'y souvient des noms « Léon et Coronat », ona la certitude qu'ils étaient « bretons » (bien qu'on parle de Coutances comme étant leur lieu d'origine) et qu'ils ont été transportés soit dans la crypte, soit dans l'église ou dans le cimetière qui l'entourait. On ne paraît pas avoir eu connaissance d'un culte officiel, mais seulement d'une dévotion populaire. Il est donc question d'Évreux et de Coutances à propos de nos saints évêques, et on les dit d'autre part «bretons». Pourquoi ? Ive terme de « bretons » n'avait sans doute pas le sens que nous lui donnons aujourd'hui. Il doit s'appliquer probablement aux habitants des côtes de la Manche.

 

Ces saints étant introuvables dans les répertoires bretons, on était en droit d'attendre que, après les avoir recueillis, le limousin leur ait fait place dans sa liturgie : or, Les heures paroissiales à l'usage du diocèse de Tulle (1867) les ignorent ; de même les Offices propres du diocèse de Tulle (Poitiers, 1865) et les Missae propriae diocesis Tutelensis (1866). A Saint-Martial, où ont d'abord séjourné les reliques de Léon et Coronat, nous le verrons plus loin, leurs noms auraient pu être inscrits au calendrier de la grande abbaye : les Officia
propria diocesis Lemouicensis (1855) les méconnaissent totalement ; les mss. B.N. lat. 1154 et 16306, qui contiennent des noms bretons et limousins, de même. On a dit Coronat décédé à Évreux en odeur de sainteté : les Officia propria ad usum Ecclesiae Ebroicensis (Évreux, 1859) ne l'ont pas inclus dans leurs fêtes. Les répertoires des Bollandistes ne font nulle part mention des deux personnages.

 

(Source - Bernard M. Sur la trace des saints Léon et Coronat. Un recueil liturgique de l'abbaye d'Uzerche. In: Cahiers de civilisation médiévale, 9e année (n°35), Juillet-septembre 1966).

TRANSLATION DES RELIQUES DES SAINTS LEON ET CORONAT A UZERCHE


Quel a été l'exode de ces deux personnages à travers la France ? Nous ignorons d'où ils ont été enlevés, par où ils sont passés pour venir en limousin, où nous les retrouvons grâce au savoureux récit du prieur de Vigeois, unique récit contemporain de la translation de Limoges à Uzerche : « Le vendredi 8 des ides de décembre, on tira de l'autel de Saint-Martial les corps des saints Coronat et Léon et on les transféra, le dimanche suivant, dans la crypte du monastère d'Uzerche. Cette translation fut suivie d'un grand nombre de miracles comme il s'en était fait lors de celle de saint Éloi à Solignac. »

 

De l'ensemble de ces informations on peut conclure que le transfert des reliques de Léon et Coronat de Saint-Martial de Limoges à Saint-Pierre d'Uzerche s'est bien effectué en 1158, les 6 et 8 décembre. Champeval, après avoir écrit : « Sous le choeur, on visite les cryptes des corps saints Léon et Coronat », donnait le 6 décembre 1022 comme date de la translation. Combet propose 1022 « ou, au plus tard, le 6 décembre 1158 ». C'est cette dernière date qui est la bonne, comme nous l'avons vu.

 

(Source - Bernard M. Sur la trace des saints Léon et Coronat. Un recueil liturgique de l'abbaye d'Uzerche. In: Cahiers de civilisation médiévale, 9e année (n°35), Juillet-septembre 1966).

 

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