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Langue romane des troubadours !

En tant que langue littéraire et poétique, l’occitan a posé aux philologues des pro- blèmes bien ardus. En effet, dès les premiers troubadours et notamment Guilhem IX, il présente déjà les caractéristiques d’une langue littéraire unifiée, une koinè, dans laquelle les variations dialectales se laissent bien mal distinguer. La question délicate de l’origine de cette langue, qu’on ne peut guère attribuer au seul Guilhem, s’est alors posée, et plu- sieurs hypothèses ont pu être proposées, à savoir essentiellement l’hypothèse « limousine », l’hypothèse « narbonnaise », l’hypothèse « poitevine » et l’hypothèse « centraliste ».



L’hypothèse limousine, qui a souvent prévalu, se fonde sur l’importance et la pri- mauté chronologique des troubadours limousins, ce à quoi s’ajoute le rôle joué par Limoges, et notamment par l’abbaye de Saint–Martial, dans la poésie médiolatine de tropes et dans leur traduction en langue vulgaire.


L’hypothèse narbonnaise, quant à elle, jadis dé- fendue par Morf et Bertonie et qui se fondait sur l’importance de villes comme Narbonne, Toulouse ou Béziers, est aujourd’hui à peu près abandonnée.


En revanche, l’hypothèse poitevine se fonde sur le rôle de Guilhem IX, comte de Poitou et duc d’Aquitaine, premier troubadour connu, qui utilise déjà, dans ses textes, la langue, les formes (la canso, le grand chant courtois des troubadours) et les motifs courtois ainsi que les topoi caractéristiques de la poésie des troubadours.



Toutefois, le problème principal posé par cette hypothèse vient du fait que le Poitou n’est pas de langue occitane; de là, on a pu supposer que soit il l’avait été et que l’occitan y avait ensuite reculé face au français, soit que Guilhem avait choisi pour des raisons politiques (bascul du centre de gravité de ses états vers le sud) ou littéraires (prestige du limousin) d’écrire en occitan. Ce dernier aurait pu, alors, décider sciemment de mêler des formes de diverses provenances dans ses textes dans un but stylistique. Rien ne permet toutefois d’établir avec sûreté cette hypothèse, notamment dans la mesure où il ne reste guère de preuves que le Poitou ait jamais été de langue d’oc. L’hypothèse centraliste, enfin, situe l’origine de la langue des troubadours dans une vaste zone bordée à l’est par les dialectes de Provence, au sud par le gascon et au nord par la zone de parlers intermédiaires.


Cependant, l’existence même de cette langue littéraire unifiée a pu être remise en cause. En effet, les textes des troubadours ayant été copiés dans des chansonniers long- temps après leur composition, et souvent dans des lieux géographiques différents (Italie du Nord, Catalogne, ...), il a pu paraître à certains plus cohérent de parler de « langue des ateliers ».



Dès le XIIe siècle, les troubadours franchissent les frontières du domaine occitan, emportant avec eux leur art poétique, destiné à connaître un important succès hors de ses frontières. Ainsi, Peire Vidal séjourne quelques temps dans une Espagne qu’il vante en ces termes : « Mout es bona terr’Espanha / e.l rei, qui senhor en so, / dous e car e franc e bo / e de cortesa companha ». Les rapports avec la Catalogne sont d’ailleurs encore plus anciens, et Marcabru (actif 1130–1150) entretenait déjà des liens avec la cour de Raimond Bérenger IV à Barcelone. À ce premier mouvement « hispanotrope », pour reprendre l’expression d’Antoine Tavera, succède un mouvement « italotrope » dès le début du XIIIe siècle. Raimbaut de Vaqueyras est ainsi le premier à franchir les Alpes, aux alentours de 1191, et à se fixer auprès de Boniface de Montferrat.



(Source - Jean Baptiste CAMPS (Les Manuscrits occitans à la Bibliothèque nationale de France ))

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